Oui vous ne rêvez pas. Des moulins à Majorque, il y a en plein. Plus de 3 300 ! C’est plus que partout ailleurs en Méditerranée. Vous pouvez aisément rejouer le best-seller de Cervantes et vous glisser dans les bottes de Don Quichotte et Sancho Panza. Ces édifices sont un vestige de l’époque agricole de la région. Aujourd’hui patrimoine culturel et industriel protégé, il est possible de les visiter. Ce serait dommage de passer à côté !
L‘histoire romanesque des moulins majorquins
Vous connaissez le cycle de feu de la vie du phénix. Les moulins majorquins sont un peu à son image : ils ont connu l’âge d’or, l’abandon et la résurrection.
Chapitre 1 : Amour, gloire et beauté
L’origine des premiers moulins à vent majorquins remonte à l’époque de la domination musulmane. Après la reconquête de l’île par les troupes de Jaume Ier d’Aragon, ils servent à moudre le grain et à presser les olives. Les Majorquins utiliseront plus tard des moulins pour extraire de l’eau.
Les moulins à farine
Le moulin à farine est sans aucun doute l’un des moulins à vent les plus remarquables du paysage majorquin. Ces moulins sont connus sous le nom de molinos de sangre, quand ils utilisent la force animale pour tracter les meules, ou molinos de viento quand l’éolien prend le relais. Avec leur grande tour circulaire de 7 à 8 mètres, construite avec de grands murs de près d’1 mètre d’épaisseur et d’un diamètre d’environ 10 mètres, en pierre apparente ou en plâtre, ils donnent au paysage son charme pittoresque. Ils possédent des ailes faites de tiges de voile à plusieurs bras, qui sont encore considérées comme caractéristiques aujourd’hui.
À l’intérieur, la tour comporte un escalier circulaire et une coupole mobile qui sert à orienter les pales en fonction du vent. Dans sa partie inférieure, les paysans travaillent à moudre les grains pour obtenir de la farine et à presser les olives pour obtenir de l’huile. Des salles voûtées servent à stocker le grain, la farine et parfois à loger les ouvriers.
Les moulins à farine sont typiques des XIVe et XVe siècles, mais la grande expansion des moulins commence un siècle plus tard, au XVIe où Majorque compte environ 1000 moulins à farine dispersés dans toute l’île. C’est la folie du moulin.

Les moulins à extraction d’eau
Après les moulins à vent, vinrent les molinos de agua ou moulins à extraction d’eau, entre 1840 et 1850.
Pour irriguer les champs et abreuver le bétail, les Majorquins eurent l’idée de pomper l’eau des nappes phréatiques. Comment ça marche ? Grâce à un système de pompage l’eau est extraite du sous-sol puis déversée et conservée dans des étangs adjacents.
Les moulins à eau sont composés d’une tour d’environ 5 ou 6 mètres de haut, construite au-dessus du puits d’eau et à l’intérieur de laquelle se trouve le système de pompage par aspiration. Au début, ils fonctionnent avec des lames de tissu en forme de voile de latine. Avec le temps, on on imagine des moulins à lamelles ou à bouquets qui utilisent une roue en bois et des pièces plates en forme de marguerite. Plus tard, les ingénieurs ajoutent à ces moulins une queue directionnelle afin de mieux localiser le vent.
Leur image est l’une des plus utilisées pour promouvoir la destination touristique de Majorque.

Chapitre 2 : Rupture et abandon
La mise en sommeil des moulins majorquins commence avec la seconde moitié du XXe siècle. La modernisation des techniques de culture s’appuye désormais sur des machines pensées pour diminuer, voire supprimer l’effort humain. C’est la fin de l’ère des molinos.
Ceux qui continuent de fonctionner, le font à l’aide de moteurs fonctionnant à l’énergie électrique. On les surnomme les molinos de fuego.
À cela il faut ajouter l’édification d’une station d’épuration dans la zone dans les années 90, doublée d’une crise agricole liée à la culture intensive qui appauvrit les sols. La compétitivité des produits importés, n’incita pas non plus les agriculteurs à poursuivre l’éprouvant travail de semailles et récoltes.
C’est ainsi que les moulins des Baléares tombent en désuétude, et devinrent vestiges d’une époque révolue.

Chapitre 3 : Résurrection
Rapidement, les Majorquins remarquent l’intérêt touristique que suscitent les moulins en bon état. Certains d’entre eux sont alors restaurés et convertis en habitations, restaurants ou encore maisons d’hôtes. Majorque n’aurait pas la même allure sans ses molinos de viento. D’autres changent de carrière. C’est le cas du Molí den Fraret, qui appartient à la mairie de Montuïri et abrite le musée archéologique de Son Fornés.
Mais il y a mieux. Lors de vacances à Majorque, Francisco Trigueros Morera de la Vall, employé espagnol de la marque automobile allemande Audi, a l’idée de redémarrer les moulins pour produire de l’électricité décarbonée et alimenter les voitures électriques de l’île. Ainsi, depuis 2020, Audi ambitionne d’équiper les moulins à vent de Majorque de ses moteurs électriques “e-tron”. L’occasion d’offrir une seconde vie aux moteurs d’Audi et aux moulins majorquins tout en réduisant l’empreinte carbone de l’île, surchargée l’été de véhicules terrestres. Brillant non ?!
Selon les données de l’Association des amis des moulins de Majorque, 895 moulins à vent ont été recensés sur l’île, environ 200 ont complètement disparu. Malgré cela, la grande île des Baléares reste la région d’Europe qui compte le plus grand nombre de moulins à vent au kilomètre carré. Le plus ancien est celui de l’Alquería Blanca (Santanyí), qui date de 1262.
Où visiter des moulins à Majorque ?
La Ruta de los Molinos de Mallorca naît d’un projet européen de l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée des années 2013-2025 : “Les moulins, un nouveau regard”.
Les moulins inclus dans l’itinéraire ont été restaurés par le Consell de Mallorca au cours des 15 dernières années. Ce travail a été réalisé dans le cadre des programmes de restauration du patrimoine industriel historique.
Le programme reste ouvert à l’intégration de nouveaux éléments d’intérêt, incorporant non seulement des moulins, mais aussi des éléments du patrimoine préindustriel et industriel de Majorque.

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