



S’il y a bien un auteur espagnol contemporain dont nous devrions tous dévorer les romans, c’est Carlos Ruiz Zafon. Décédé en juin 2020, il laisse derrière lui une tétralogie unique en son genre, jamais adaptée à l’écran selon son désir : “Le cimetière des livres oubliés”. Cette tétralogie catalane, publiée entre 2001 et 2016 et composée des livres, L’ombre du vent, Le jeu de l’ange, Le prisonnier du ciel et Le labyrinthe des Esprits, le propulse dès le premier tome au rang d’auteur de best-sellers.
Sous sa plume, Barcelone la Superbe, aussi torturée qu’envoûtante, nous livre la vie de personnages obnubilés par la littérature qui gravitent autour de la librairie Sempere & fils. Qu’ils soient libraires, lecteurs, éditeurs ou écrivains, leurs âmes sont liées à celles des livres dont ils ont la charge et les liens furtifs qu’ils entretiennent avec la France ne peuvent que nous fasciner d’avantage.
Barcelone : “la ville des maudits” de Carlos Ruiz Zafon
Plus que le théâtre d’une série d’intrigues, Barcelone est un personnage à part entière dans le récit. Elle enveloppe les protagonistes des mystères dont elle regorge ; leur dévoile et dissimule ses secrets ; les cache quand ils sont pourchassés ; les console de la misère dans laquelle ils sont parfois plongée ; les retient captifs dans les prisons qu’elle possède. Vacillant entre ombre et lumière, la peur et la souffrance qui lui sont infligées entre 1920 et 1970, ont laissé de profondes cicatrices dans ses murs. Blessée, souillée, violentée, l’ombre d’une malédiction plane au-dessus d’elle à l’instar des prodiges qu’elle abrite. Face à la violence dont elle est la proie, Barcelone se révèle dangereuse, corrompue et imprévisible. Elle nous entraine avec elle dans un sinistre labyrinthe d’intrigues où les livres sont des portes vers des mondes en implosion.
Le cimetière des livres oubliés : un monde de littéraires audacieux
Tous les personnages de la saga “Le cimetière des livres oubliés” sont littéraires. Ecrivains en herbe ou confirmés, lecteurs invétérés, libraires passionnés ou éditeurs maudits, ils ont tous un rôle à jouer, un plan à déjouer, pour que la littérature ne pas bascule du côté obscur. Chaque livre a une âme, confie dans L’ombre du vent le libraire Sempere à son fils Daniel. “L’âme de celui qui l’a écrit et l’âme de ceux qui l’ont lu”. Aussi est-il vital de ne la pas vendre au diable. C’est sur quoi mettent en garde Le jeu de l’ange et Le prisonnier du ciel, où l’écriture est menacée d’entrer au service d’idéologies. De même, il est essentiel que le lecteur soit gardien et garant de l’œuvre qui l’a profondément touché pour éviter qu’elle ne tombe dans l’oubli.
Dans sa saga, Zafón nous fait comprendre que nous avons tous notre rôle à jouer dans le monde du livre. L’hommage qu’il rend à la littérature est la raison pour laquelle il n’a jamais permis que son œuvre soit adaptée à l’écran.
La France et la tétralogie catalane de Zafon
Il faut le reconnaître, le Français est chauvin. Aussi son cœur sera touché par les surprenantes références faites à la France dans les tomes du “Cimetière des livres oubliés“. Que ce soit à travers la nationalité française de la mère d’un écrivain maudit, l’échappée vers la Ville des lumières d’un amant en détresse, la visite d’un libraire-collectionneur dans le sud de la France, l’adresse parisienne d’une mystérieuse maison d’édition, la mention de Gallimard, un succès littéraire d’Alexandre Dumas, un stylo appartenant à Victor Hugo, les références ne manquent pas. La France n’est pas en reste des mystères littéraires que recèle Barcelone. Leur traversée des Pyrénées fait de nous des complices, des témoins privilégiés, des enquêtes en cours.
Pour résumer, “Le cimetière des livres oubliés” est un labyrinthe d’intrigues construit autour de la famille Sempere et sa librairie dans les heures sombres que connait Barcelone dans la première moitié du 20ème siècle. Thrillers efficaces où s’invite parfois le fantastique, vous risquez d’y développer une addiction, voir même de succomber à ce que les Espagnols ont justement appelé la “zafonmania”.
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